John Lasseter : Masterclass au Festival Lumière.

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C’est très excitant d’être dans la ville où est né le cinéma ! […] Je me sens comme un frère Lumière de l’animation !

John Lasseter était présent à Lyon, à l’occasion du Festival Lumière. Après avoir ouvert le festival lundi 12 octobre, le réalisateur de Toy Story a été mis à l’honneur dans la ville du cinéma a plusieurs occasions. Les films du studio à la lampe ont été mis à l’honneur tout au long du festival afin de célébrer dignement les 20 ans de leur premier long métrage et les presque 30 ans du studio. John Lasseter a présenté son premier film, Toy Story à l’Institut Lumière et a par la même occasion découvert la plaque à son nom sur le mur de cinéastes. Il était également présent à la projection de Cars, Mardi 13 octobre.

Mais l’évènement était bien sûr la masterclass qu’il a donné Mardi en début d’après-midi à la Comédie Odéon.  Découvrez notre compte rendu !

Accueilli par Thierry Frémaux (directeur de l’institut Lumière), John Lasseter a été acclamé pendant plusieurs minutes par un public ému de voir arriver ce géant du cinéma, celui que l’on surnomme le Walt Disney du XXIème siècle.

Dans une discussion avec Fabrice Leclerc (journaliste de France Info), le réalisateur de Toy Story, vêtu d’une chemise hawaïenne aux couleurs de son premier long-métrage, il se laisse aller aux confidences.

Son amour pour l’animation.

I love cartoons. Ever since I was a kid.  J’ai toujours aimé les dessins animés. Depuis mon enfance. 

Sa mère artiste, l’a toujours encouragé à dessiner. Lors de la sortie hebdomadaire à l’église, il emmenait ses crayons et dessinait, sans jamais écouter un seul mot du sermon. Il n’arrêtait jamais. Et même lorsque les autres grandissait, se désintéressaient des dessins animés, il continuait de courir chez lui à la sortie de l’école pour regarder Bugs Bunny. En première année de lycée, il a lu « Art of animation » de Bob Thomas, qui décrivait comment Walt Disney réalisait ses films, réalisant pour la première fois que l’on pouvait vivre de l’animation !

You got paid to make cartoons ?! That’s what I want to do ! On peut être payé pour faire des dessins animés ?! C’est ce que je veut faire !

Il a eu la chance d’avoir une mère qui l’a encouragé dans cette voie. Il a commencé à envoyer des lettres au studios Disney, sur disant qu’il aimerait un jour travailler là bas. Ils l’avaient alors invité, en tant qu’étudiant, à venir visiter les studios. Ils ont gardé sont nom sur une liste et lorsqu’ils ont cherchés dans étudiants pour la toute première promotion de CalArts, ils l’ont encouragé à déposer sa candidature.

Son parcours à CalArts.

Il a étudié 4 ans dans cette université dédiée, entre autre, au cinéma d’animation. Ses professeurs étaient d’anciens animateurs de Disney, sortis de leur retraites pour enseigner. Il a été marqué par leur récits sur la façon que Walt Disney avait de travailler avec chacun d’eux. Il y avait de bonnes histoires et de mauvaises histoires. Ses camarades de classes étaient Tim Burton, Brad Bird, John Muskeer.

Nous étions entre 1975 et 1979 et le cinéma américain était en pleine transformation, grâce à des hommes comme Francis Coppola, Martin Scorsese, Georges Lucas, Steven Spielberg et on se disait qu’on pouvait faire la même chose qu’eux avec l’animation.

Une fois son diplôme en poche, il est allé travailler aux studios Disney.

Les débuts chez Disney.

Le véritable problème avec les « têtes pensantes » de Disney à l’époque (pas les animateurs, qui étaient fabuleux) pensaient que les films d’animations ne devaient être dédiés qu’aux enfants. Bien sûr, Lasseter et ses amis pensaient le contraire. Tout comme Walt Disney, qui ne destinaient pas ses films aux enfants uniquement.

Lorsque Lasseter arrive chez Disney, il a cette croyance que les films d’animation doivent être dédiés à un public plus large. Mais les personnes à la tête des studios, qui avait obtenus ces places après de longues années avaient peur de ces jeunes génies de l’animation. Et c’est également à cette époque qu’il a vu le début du développement des ordinateurs, et le potentiel qu’ils offraient pour l’animation.

This is what Walt Disney was waiting for ! C’est cela que Walt Disney attendait !

Il savait que c’était avec ça que les studios Disney devait évoluer. Mais ce qu’on continuait à lui répéter était décourageant : « Ce n’est pas comme ça que nous faisons les choses ici ». C’est à cette époque que j’ai rencontré des personnes de Lucasfilm, qui commençaient à expérimenter les possibilités de l’animation 3D. Lasseter a continué à insister auprès des dirigeants des studios, pour introduire ce type d’animation dans les films Disney. Il a tellement insisté qu’ils l’ont viré.

Les années Lucasfilm.

Après son « départ » de Disney, il a été invité à Lucasfilm, c’est à ce moment qu’il commence vraiment à travailler sur informatique, en 1983.

A l’époque il n’existait pas de logiciel pour créer ces films. Ils ont donc du créer les logiciels avant de créer le film. Ce qui était assez unique, c’était lui avec une formation d’animation classique collaborant avec ces génies de l’informatique qui inventait ce tout nouveaux logiciel d’animation. C’était la première qu’un film d’animation par informatique ne serait pas réalisé par ces scientifiques.

Imagine all the paintings in the world made by the chemists who made the paint. Imaginez que toutes les peintures du monde aient été faite par les chimistes qui ont faits les peintures. 

En tant qu’artiste, il a toujours vu les ordinateurs comme un outil, comme un pinceau. Mais le pinceau le plus cool qu’il ai eu l’occasion de manier.

La genèse de Toy Story.

Il était passionné par la manière dont les logiciels allaient pouvoir améliorer son travail, tout en prenant en compte, que la machine seule n’était pas très douée. Et c’est là en prenant en compte toutes les particularité de l’aspect technique qu’il a commencé à refléchir à ce qu’il pouvait créer. Le logiciel permettait de créer facilement des formes géométriques, à l’aspect plastique avec des ombres.

pixar disney woody toy story
Woody, le parfait exemple de l’animation Pixar : un jouet en plastique.

Notre premier film d’animation était donc « Luxo Jr » qui racontait l’histoire de deux lampes de bureau. C’était le premier film d’animation créé par ordinateur qui avait était fait afin de divertir les spectateurs grâce à son histoire et ses personnages et pas seulement parce qu’il avait été fait avec un ordinateur.

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Luxo Jr. le tout premier film d’animation 3D.

Donc lorsque nous avons réfléchi à un long métrage qui pouvait être réalisé avec ce système, une évidence nous est apparue. Nous pouvions faire des formes géométriques, qui semblait être en plastique… des jouets ! Ils sont fait par l’homme, en plastique et on les trouves dans des chambres d’enfants où la majorité des meubles et décors sont géométriques. Il savait qu’ils avaient une position unique parce qu’ils étaient les premiers à réaliser ce genre de films. Ils inventaient ce média. Et ils voulaient surtout que les gens soient impressionner par les personnages et l’histoire et non pas par la technologie.

Quand il réalise un film, le plus important est l’émotion que les spectateurs ressentiront en le voyant. C’est ce que Walt Disney incluait dans ses films et c’est ce qui les rendait si particulier. Lorsqu’il pense à ses films favoris, ce sont ceux qui l’ont ému, fait rire ou autre. Et c’est à cela qu’il pense en premier lorsque vient le moment de plancher sur un scénario. C’est important de savoir où se situe le coeur de ce futur film. Il n’essai cependant pas de faire des films à messages, pour transmettre un message en particulier. Ce coeur est souvent représenté par la changement ressenti par le personnage principal au cours du film, tout en gardant une logique pour que les spectateurs s’y retrouvent. Il faut que le public soit embarqué avec le personnage dans son voyage afin de le comprendre. Il faut donc trouver des sujets que le public connaît (tout en y apportant une touche de magie) : l’adolescence, le handicap, le deuil, la vieillesse.

Ce sont leur propres expériences qui inspirent les films chez Pixar. C’est ce qu’il leur permet, malgré que les histoires soient créés de toutes pièces, de toucher le public.

La vie à Emeryville.

L’humour Pixar est quelque chose qui vient des personnages eux-mêmes. Ils aiment créer des personnages uniques et les placer dans des situations où l’humour naîtra. Mais surtout, ils veillent à ce qu’aucun personnage ne se moque des autres, il n’y a pas d’humour aux dépends des autres.

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Bob Razowski, le monstre qui découvre le pouvoir d’un rire d’enfant.

Andrew Stanton a l’habitude de toujours lancer une blague dès que les choses deviennent trop tristes ou trop sérieuses pour faire rire ses collègues. Pete Docter est un enfant géant. Joe Ranft devenait les personnages et vous faisait immédiatement hurler de rire. Lee Unkrich qui était animateur sur Toy Story et qui maintenant indispensable au studio, a toujours été le sérieux de la bande. Andrew, a découvert qu’il était enfant unique et il est devenu le grand frère que Lee n’avait jamais voulu avoir. Ils passent leurs journées à rire ensemble et ce sens de l’humour omniprésent est l’ingrédient clef de l’humour de leurs films.

C’est cet équilibre entre le coeur et l’humour qui rend les films Pixar uniques.

Peter Sohn : le jeune réalisateur de « Le voyage d’Arlo« 

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Peter Sohn tenant un portrait d’Arlo.

Peter Sohn était storyboarder à Pixar. Il est arrivée en même temps que Brad Bird, pour « Les Indestructibles« .  Ils avaient déjà collaboré du « Le Géant de fer ». Il a aussi fait ses études à CalArts. Lasseter a vu quelque chose de spécial chez Peter. Il est très drôle mais a aussi beaucoup de coeur et sais le retranscrire dans ce qu’il fait. Il n’a jamais demandé à être réalisateur, mais on lui demandé de créer des idées pour des courts métrages. Il a donc inventé le scénario de « Partly Cloudy« , qui raconte où les cigognes trouvent les bébés avant de les apporter aux mamans, humaines et animales. Et c’est en particulier l’histoire d’un nuage qui créé les bébés moches, flippants et dangereux. C’était une nouvelle vue sur ce mythe des bébés qui est très intéressant.

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Peck et Gus, les deux amis de Passages nuageux.

Avec Bob Peterson, ils ont ensuite réfléchi à un scénario pour un film plus long et c’est comme ça que « Le voyage d’Arlo » est né. Chez Pixar, ils ne réalisent que les films dont leurs réalisateurs ont eu l’idée. Une fois qu’un idée germe dans l’esprit de l’un d’eux, ils travaillent ensuite tous ensemble afin que le film puisse être réalisé.

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Spot, le compagnon d’aventure d’Arlo dans Le voyage d’Arlo.

Après un peu plus d’une heure, John Lasseter  a quitté la salle dans un tonnerre d’applaudissement. Un moment unique, qu’il semblait avoir beaucoup de plaisir à partager avec tous ces fans. Un grand moment de cinéma, un grand moment Pixar.